Planification fiscale

Qu’est-ce qu’un roulement? Le rôle du choix du paragraphe 85(1) LIR en réorganisation corporative

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Qu’est-ce qu’un roulement? Le rôle du choix du paragraphe 85(1) LIR en réorganisation corporative
Lucie Baillargeon
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La réorganisation corporative est au cœur du travail des fiscalistes. Qu’il s’agisse d’une simple incorporation ou du remaniement complet de la structure de votre entreprise, ils se doivent de déterminer la meilleure manière d’atteindre vos objectifs, en optimisant la fiscalité (ou en limitant les impacts fiscaux négatifs).

Dans cette optique, ils emploieront tous les moyens à leur disposition dans l’arsenal de la loi, et le paragraphe 85(1) de la LIR, ou le « roulement », représente l’un des moyens les plus usités d’effectuer des changements au sein d’une structure corporative.

Mais qu’est-ce qu’un roulement fiscal et à quoi cela sert-il?

Il s’agit d’un choix que le contribuable peut faire dans le contexte d’un échange d’actifs admissible entre un actionnaire (actuel ou futur, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une société) et une société par actions canadienne. Par exemple, un actionnaire pourrait transférer un immeuble à sa société de gestion et en échange, sa société devra émettre au moins une action à l’actionnaire pour que le roulement soit valide. Lorsqu’un choix en vertu du paragraphe 85(1) LIR est produit, cet échange peut être effectué en utilisant un produit de disposition fiscal supérieur ou égal au coût fiscal des biens (soit le prix de base rajusté [« PBR »] ou encore la fraction non amortie du coût en capital [« FNACC »]), et inférieur ou égal à leur juste valeur marchande actuelle (« JVM »). Ce produit de disposition choisi constitue la somme convenue aux fins de cet échange.Cette somme convenue permet donc de reporter l’imposition!

La JVM de la contrepartie reçue doit néanmoins être égale à la valeur des biens transférés. En d’autres termes, lors d’un tel transfert et contrairement à une vente classique, il est possible d’indiquer un produit de disposition inférieur à la JVM, mais seulement du point de vue fiscal, puisque concrètement, l’actionnaire aura tout de même reçu un bien de valeur équivalente. À noter également que, pour que le choix soit valide, tel que mentionné précédemment, la contre partie émise par la société doit comprendre au moins une fraction d’action. Il est possible d’émettre une fraction d’action combinée à une autre forme de contre partie, notamment par l’émission d’un billet, en numéraire ou encore parla prise en charge d’une dette du cédant. On parle alors d’une contre partie autre qu’en actions. À faire attention, car le montant de cette contre partie autre qu’en actions peut venir limiter le choix de la somme convenue.

Ainsi, vous aurez compris que, bien qu’il ne soit pas possible de créer une perte lors d’un roulement, on peut néanmoins générer un gain en capital, bien que ce ne soit pas l’objectif, règle générale. En certaines circonstances, il pourrait néanmoins être intéressant d’utiliser cette technique afin de matérialiser une partie ou la totalité du gain latent sur un actif.

Biens qui sont admissibles

De manière générale, les immobilisations détenues par un résident canadien, ainsi que les biens à porter à l’inventaire (à l'exception d'un bien immeuble ou réel), peuvent faire l’objet d’un roulement.

L’objectif

Alors quel est l’objectif? Il s’agit de transférer un bien à sa société sans incidence fiscale immédiate, c’est-à-dire sans être imposé sur le gain en capital au moment du transfert.

Le paragraphe 85(1) LIR permet donc, concrètement, de procéder à des réorganisations corporatives internes sans imposition immédiate, et sans que la société ait à sortir de liquidités pour payer directement le cédant. Autant que possible, on remettra l’imposition au jour où notre bien sera réellement disposé, ou vendu si vous préférez. Ce report dans le temps peut être très avantageux, puisque lors d’une disposition réelle, l’actionnaire recevra généralement un montant d’argent, de sorte qu’il aura accès à des liquidités lui permettant de payer l’impôt plus facilement.

Prenons un exemple.

M. X a acheté un terrain il a de cela quelques années au coût de 15 000 $. Sa société s’est bien développée au cours des années, si bien qu’il aimerait maintenant transférer ce terrain à sa société. Le terrain a cependant pris de la valeur, si bien que sa JVM est passée de15 000 $ à 55 000 $! S’il vendait ce terrain à sa société, il déclencherait un gain en capital de 40 000 $, mais en choisissant de « rouler » ce bien contre un bien équivalent, fiscalement, cela n’aura aucune incidence immédiate.

Les deux parties peuvent ici choisir de transférer le terrain au PBR, donc une somme convenue de 15 000 $, en échange d’actions d’une valeur égale à la valeur du terrain. (Noter que d’un point de vue économique, cependant, la transaction a bien lieu à la JVM.) On considérera qu’il y a eu échange équivalent et il n’y aura pas d’imposition immédiate, dans la mesure où le choix du paragraphe 85(1) LIR est effectué*.

Le jour où M. X décidera de vendre les actions de sa société à un tiers, il sera alors naturellement imposé sur son gain en capital, mais pendant toutes ces années il aura profité d’un délai lui permettant, par exemple, de réinvestir dans sa société.

En conclusion, le paragraphe 85(1) permet d’éviter les tracas qu’entraînerait la réorganisation corporative si des dispositions n’avaient pas été prises pour retarder l’imposition lors d’échanges entre actionnaires et entreprises. C’est l’un des articles permettant d’huiler les rouages fiscaux quand des changements s’avèrent nécessaires et l’un des outils de prédilection de votre fiscaliste.

 

* Pour que le choix s'applique, les contribuables devront bien sûr produire les formulaires prescrits et les transmettre aux autorités fiscales.

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