Pour certains travailleurs, voyage ne rime pas nécessairement avec vacances. En effet, certains professionnels profitent de la possibilité de faire du travail à distance afin de quitter le Canada et travailler où bon leur semble.
Dans le jargon de la communauté, ces travailleurs sont nommés « nomades numériques » ou bien « digital nomads ». Bien que ces derniers ne représentent pas la majorité de la société, il y a fort à parier que le nombre d’expatriés qui adopteront ce mode de vie continuera à croître dans les prochaines années en raison de la démocratisation du télétravail.
Certains pays et états ont déjà commencé à mettre en place des mesures incitatives qui ont comme objectif d’attirer ces « nomades numériques » sur leur territoire. À cet effet, il est possible de penser à des allègements fiscaux, à l’accès à des permis de travail temporaires ou bien à la mise en place de subventions facilitant la relocalisation.
Or, avant de succomber à l’attrait de ces différentes mesures, il est important de comprendre les différentes incidences fiscales qui peuvent découler du choix de travailler à l’étranger.
Au Canada, un résident fiscal doit déclarer ses revenus mondiaux reçus au courant de l’année et payer des impôts relativement à ces sommes. De ce fait, même si une personne prend la décision de quitter le Canada pour travailler à l’étranger, elle pourrait demeurer assujettie à l’impôt canadien. Afin de déterminer les obligations fiscales d’un contribuable envers le Canada, il est alors essentiel de se positionner par rapport à l’épineuse question de sa résidence fiscale.
Selon la Loi de l’impôt sur le Revenu (ci-après « LIR »), un contribuable peut être un résident réputé du Canada ou un résident de faits.
Afin d’être un résident réputé, il est nécessaire d’être visé par certaines dispositions particulières de la LIR qui permettent d’établir une présomption de résidence. À titre d’exemple, certaines dispositions concernent le nombre de jours résidés au pays ou le type d’emploi exercé.
Afin d’être un résident de faits du Canada, il faut plutôt analyser les liens que le contribuable possède au pays. Les liens analysés les plus importants sont l’emplacement de la résidence, le lieu où se situe son époux ou conjoint de fait ainsi que le lieu où se situent les personnes à sa charge. Il est important de préciser qu’aucun de ces liens n’est prépondérant et qu’ils doivent être analysés en fonction des faits propres à chaque cas d’espèce.
La présence d’autres liens au pays peut aussi avoir un poids dans l’analyse, tel que la présence de biens personnels, de liens sociaux, de liens économiques, bref, divers éléments qui tendent à démontrer que le contribuable conserve un lien d’attachement au pays.
À la lumière de ce qui précède, l’une des premières questions que doit se poser un contribuable qui souhaite devenir un « nomade numérique » est celle de déterminer s’il souhaite conserver des liens d’attachement au Canada.
Si c’est le cas, il devra faire attention aux risques de double imposition provenant du fait qu’il continuera à être imposé sur ses revenus mondiaux au Canada. Si le contribuable souhaite plutôt ne plus être un résident fiscal canadien, il devra s’assurer de respecter certaines exigences minimales.
Tel que mentionné précédemment, un contribuable qui conserve des liens avec le Canada et qui demeure un résident fiscal canadien sera imposé sur ses revenus mondiaux. Toutefois, ce dernier pourra tout de même demander tous les crédits d’impôts remboursables et non remboursables auxquels il a droit, car il sera imposé comme s’il n’avait jamais quitté le Canada.
À titre d’exemple, si le contribuable avait normalement droit à l’allocation canadienne pour enfants, le gouvernement continuerait de lui verser les prestations auxquelles il a droit dans la mesure où certaines obligations sont respectées, tel que la nécessité de produire des déclarations de revenus. Fait intéressant, cette allocation demeure également disponible pour les enfants qui naissent alors que le contribuable est à l’extérieur du Canada.
Par ailleurs, il sera possible, pour le résident fiscal du Canada, de demander un crédit pour impôt étranger. Concrètement, ce crédit permet d’éviter de devoir payer deux fois des impôts sur le même revenu en permettant une réduction des impôts à payer au Canada en fonction des impôts payés à un autre pays. L’accès à ce crédit d’impôts ne veut toutefois pas dire qu’aucune déclaration de revenus ne devra être produite à l’étranger.
Il demeure en effet important de prévoir les conséquences fiscales inhérentes au fait de travailler dans un autre pays, d’autant plus lorsque le séjour y est de quelques mois. Cette analyse devra entre autres considérer les conventions fiscales intervenues entre les pays ainsi que l’émission ou non de visa de travail permettant certains allègements fiscaux.
Si le contribuable est prêt à faire le saut de manière définitive dans la vie d’expatrié, il peut alors devenir intéressant de couper ses liens avec le Canada afin de cesser d’y être résident fiscal.
Pour ce faire, le contribuable doit être en mesure de prouver son intention de quitter définitivement le Canada. La vente de sa résidence principale, de ses biens personnels, la preuve que son conjoint ou les personnes à sa charge quittent le pays sont alors tous des facteurs qui vont peser dans la balance. Bien sûr, certaines formalités administratives doivent être remplies (ex : aviser vos payeurs canadiens) et certaines obligations fiscales doivent être respectées (ex : déclaration de revenus lors du départ et paiement de certains impôts).
Par rapport à ce dernier point, il est essentiel de préciser que les biens du contribuable, mis à part quelques-uns qui font l’objet d’exceptions précises, feront l’objet d’une disposition réputée de manière à générer un impôt de départ. Bien qu’obligatoire, cet impôt, provenant de la disposition réputée, peut parfois être diminué lorsque le départ est planifié d’avance.
Quant aux avantages de cesser d’être résident fiscal canadien, il y a bien sûr l’intérêt de diminuer ses obligations fiscales envers un pays avec lequel un contribuable n’a plus d’attachement (attention toutefois aux retenues à la source), mais il y a aussi la possibilité de profiter pleinement des dispositions législatives proposées par d’autres pays afin d’attirer les « nomades numériques ».
Tel que mentionné, certains pays tentent d’attirer des voyageurs sur leur territoire en offrant des avantages fiscaux aux contribuables qui décident de s’y relocaliser.
La Grèce est un bon exemple de ce type de politique adoptée. Afin d’attirer des travailleurs étrangers, le pays a adopté une loi en 2020 qui permet aux nomades numériques de n’imposer que 50 % des revenus gagnés par les travailleurs autonomes ou nouvellement employés pour un poste créé en 2021. Cette offre est valide pour une période de 7 ans pour tous les contribuables qui décident d’établir leur résidence au pays.
D’ailleurs, nul besoin de se déplacer aussi loin pour observer l’adoption de telles mesures incitatives. Une étude sur la question effectuée aux États-Unis a recensé 24 programmes mis en place par des états ayant comme objectif d’intéresser les travailleurs à se déplacer sur leur territoire pour y travailler à distance.